Pendant la « drôle de guerre », Francis Gag est enrôlé dans le "génie" (déjà !). Se sentant inutile, il crée avec ses camarades d'infortune la troupe "Le théâtre aux armées", qui se produira dans tous les forts de la région.
Bricoleur de génie, metteur en scène, auteur, acteur, il invente, crée sans repos, et notamment un personnage de commère : "Tanta Vitourina" qui le suivra - et le précèdera parfois - tout au long de son existence, mitaines blanches, cabas au bras et "mignou" (fourrure de renard) autour du cou.
Ce personnage truculent, doté d'un bon sens typiquement niçois, sévira sur les ondes de Radio-Nice dans une chronique intitulée "Les pastrouils de Tante Victorine". Sa langue trop bien pendue lui vaudra d'être censurée pour ses critiques sur le personnel politique d’après-guerre. Elle émigrera donc sur Radio-Monte-Carlo jusqu’en 1967. C'est durant cette période (en 1962) que la notoriété et la générosité de Tanta Vitourina serviront les personnes âgées démunies, à travers l'Oeuvre des Petites vieilles, qui deviendra ultérieurement Solidarité Francis Gag.
Avec ce personnage, Francis Gag va parcourir toutes les fêtes de la région. Tante Victorine disparaîtra à la mort de Joseph Augier, qui incarna Titoun, son mari.
Il est vraisemblable que le succès et l’activité débordante de Tante Victorine ont été la cause de l'interruption de sa production théâtrale : trop accaparé par sa commère, Francis Gag ne réécrira pour le théâtre qu'en 1964 (La marche à la crèche, dans laquelle intervient Tanta Vitourina) et 1981 (Segne Blai e Guilhaumeta).
"Cela peut paraître excessif que de l'entendre dire par moi, confesse Francis Gag, mais j'en parle comme un personnage issu de moi, c'est vrai, mais qui a très vite décidé de conduire sa vie propre en totale liberté. C'est elle qui me conduit où elle veut, elle n'en fait qu'à sa tête et je ne puis que me plier à ses caprices. (...)
Tante Victorine devient le personnage fétiche de milliers de gens. Humour, franc-parler, féminisme avant l'heure, elle mêle avec un égal bonheur tous les genres pour la défense et l'illustration du bon sens populaire entier, mais avant tout niçois. Pendant près de vingt-cinq ans, sa célébrité va contraindre le malheureux Pygmalion qu'est devenu Francis Gag à obéir à cette passionaria du Vieux-Nice qui sait, à l'occasion, se transformer en un redoutable tyran en jupons."
in "Nice au fil des jours et des saisons,
Francis Gag à la rencontre de ses souvenirs"
Francis Gag et Françoise Arnulf - Ed. Alp'Azur