Intervista : Jean-Luc Gag
Jean-Luc, d'où viennent-ils, ces Niçois nés sous ta plume en 2003 ?
Il faut remonter un peu avant 2003, en fait. A l'époque, le Théâtre Niçois vit une renaissance, alors que Francis Gag a disparu depuis quinze ans. En 1997, son fils Pierre-Louis (mon père) a montré la voie en créant Lu bessoun ; ensemble, l'année suivante, nous avons créé Titoun e Vitourina à partir de sketches de Francis Gag ; puis Jànluc Sauvaigo nous a honorés de L'or d'en Mascouinat en 1999 ; et enfin, en 2001, j'ai cédé à cette envie d'écriture qui me chatouillait de longue date en adaptant Feydeau, avec L'oste de li dama. En 2002, sur les conseils avisés d'Hervé Barelli, je lis une comédie de moeurs d'Eduardo de Filippo, Sabato, domenica e lunedi, que je transforme en Past en familha, qui se déroule à Nice à la toute fin des années cinquante.
Past en familha est donc une traduction de cette comédie italienne ?
Pas du tout, non. Alors que dans L'oste, j'étais encore proche du texte de Feydeau, je m'en suis éloigné pour le Past. Je crois que j'avais besoin de me rassurer et... l'adaptation rassure sans aucun doute : on ne part pas de la feuille blanche...
Et tes personnages, pourquoi sont-ils revenus en 2008 ? Et aujourd'hui ?
C'est eux qui l'ont voulu. L'an vourgut ensin... Ils nous ont touchés, ces braves gens. C'est une de ces belles rencontres que permet le théâtre parfois. Nos comédiens comme notre public les ont reconnus et les ont aimés, comme on aime sa famille, ces individus qui ne sont pas nous mais partie de nous, part intégrante de notre quotidien.
Une trilogie... Une première dans l'histoire du Théâtre Niçois, non ?
Ahì, es ver. Mise à part Tanta Vitourina, personnage récurrent qui sortait même du cadre théâtral, nos pièces n'avaient jamais connu de suite. C'est chose faite. J'ai répondu à une envie collective et j'en éprouve une grande joie, qui s'est trouvée renforcée quand, lors de la première lecture de Gusta s'embila, en janvier, j'ai senti avec quel plaisir et quel naturel mes partenaires comédiens redonnaient vie à ces personnages. Un véritable moment de bonheur !
Rappelle-nous un peu le contexte...
Dans Past en familha, Nano soupçonne Marie d'adultère avec leur voisin Gusta et déclenche un scandale lors du repas du dimanche. Dans Nouòça, amour e cinemà, ce même Gusta se résigne à épouser Yvette, soeur de Nano, pour rester proche de Marie dont il est réellement profondément amoureux, et c'est au repas de ces noces que nous assistons. Dans la troisième partie, Gusta se met en colère...
Pourquoi ce titre, justement : Gusta s'embila ?
Tout d'abord parce que cet honnête homme va avoir de véritables raisons de s'embiler, que vous découvrirez en mai. Mais l'origine de ce titre et du contenu de cette pièce est ailleurs, en vérité. Laurent Térèse, le comédien qui interprète Gusta, en est à la source. Lui pour qui j'éprouve à la fois une grande affection et la plus profonde admiration pour le comédien qu'il est, me dit après les dernières représentations de 2008 qu'un jour dans sa vie, il aimerait se mettre en colère sur scène et que Gusta serait le bon personnage pour ça. M'acò voilà : j'avais déjà en tête les circonstances de la troisième - le repas de baptême du petit Dominique, fils de Jeanine et de son rocker de mari -, Laurent m'avait donné le début de la pelote pour l'intrigue. Il me fallait trouver les causes de sa bila.
Une comédie dans la lignée des précédentes, donc ?
Précisément : mêmes personnages plus une nouvelle, même langue mitan niçois mitan français correspondant à la période, même construction en trois actes, mêmes foures de rires (j'espère) et même souci de réalité. E soubretout un même authentique plaisir de repilhà aquesta dralha.